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Vers un autre discourse pour le système commercial multilateral

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Ismail, Faizel, "Vers un autre discourse pour le système commercial multilateral", ICTSD, Passarelles, Vol.14; number 2, Mai 2013


L’approche des chaînes de valeur mondiales (CVM) impulse actuellement la vision dominante de la mondialisation et de la politique commerciale. Selon cette perspective, les CVM ont créé davantage d’intégration globale et d’interdépendance car les entreprises transnationales installent de plus en plus leur production dans une diversité de pays et les marchandises sont « fabriquées dans le monde » et non dans un seul pays. Il est conseillé aux pays qui cherchent à accroître les gains tirés du commerce de réduire et de supprimer tous les obstacles à la libre circulation des biens et des services, et de prospérer et se développer en participant aux CVM (OCDE 2012). Toutefois les tentatives récentes de certains décideurs visant à se servir du concept de CVM pour plaider en faveur d’un accroissement de la libéralisation des échanges comportent des lacunes, pour trois raisons. En premier lieu, ils tentent de restaurer le concept de marché auto réglementé, détaché de la société et déconnecté des asymétries du pouvoir économique. Ils tentent, en second lieu, de revitaliser le Consensus de Washington. En troisième lieu, ils ne fournissent aucun cadre pour aider les pays en développement à aller au-delà de leurs avantages comparatifs actuels. La vision dominante L’approche utopique du marché auto réglementé ignore le fait que les processus économiques et les marchés sont ancrés dans des processus sociaux. En conséquence, nombre de partisans de l’approche des CVM dissocient totalement leur analyse de la mondialisation des expériences de la majeure partie des populations du monde qui pâtissent des effets d’une crise économique et sociale permanente. L’approche des CVM continue de mettre l’accent sur les gains d’efficience statiques, l’abaissement des coûts de transaction et l’offre d’un environnement d’affaires favorable pour attirer les grandes entreprises transnationales comme buts de la politique commerciale. Une grande part de ce discours politique ne semble pas reposer sur une évaluation empirique attentive des liens entre les CVM et le développement. Il y a une hypothèse selon laquelle l’accroissement des échanges mène inévitablement au développement ; que les échanges liés aux CVM ont l’avantage supplémentaire d’avoir, d’une façon ou d’une autre, des retombées résultant de l’accueil de ces grandes entreprises organisatrices de telles chaînes. Cependant, la CNUCED avait déjà averti, il y a plus d’une décennie, que la participation aux CVM était susceptible d’entraîner « davantage d’échanges, mais moins de gains. » Il y avait, en outre, peu d’éléments systématiques suggérant que les retombées technologiques et autres se trouvaient automatiquement dans ces chaînes. Récemment, Robert Wade (2012) a fait valoir que dans un monde où les changements technologiques sont la norme, de nombreuses industries naîtront même dans les économies les plus avancées, ce qui rend d’autant plus important le plaidoyer en faveur de politiques commerciales et industrielles stratégiques. Ce qu’il faut, c’est une approche intégrée de la politique macroéconomique, commerciale et industrielle en appui à des investissements productifs et à la diversification économique. Un article récent de deux universitaires chinois (Tu et Lin, 2010) observe également qu’une nouvelle vague de politiques industrielles, tant avec les Etats-Unis qu’avec l’UE, cherche activement à concevoir une stratégie industrielle sous l’égide du gouvernement. Accroissement des défis systémiques Les grandes multinationales américaines des secteurs des finances, de la logistique et des télécommunications sont à présent les principaux partisans d’une libéralisation agressive, bien qu’elles semblent avoir renoncé à la voie multilatérale et qu’elles soient actuellement le moteur de l’approche plurilatérale, axée sur un seul problème, comme alternative à l’approche multilatérale, plus inclusive et plus lente. Cependant les inégalités au sein du régime commercial actuel nous rappellent brutalement les maux du passé. Les PMA continuent d’être victimes de discrimination et d’être exclus des marchés des grands pays développés. Les subventions et les droits de douane élevés sur les produits agricoles dans les pays développés faussent toujours le commerce mondial. Le cas des Quatre Africains du coton devient un test décisif pour la légitimité du système commercial. Pendant ce temps, le système commercial mondial est confronté à de nouveaux défis systémiques. L’effet de distorsion de la finance non réglementée sur le système commercial à travers, par exemple, les mouvements des taux de change qui éclipsent les changements dans les régimes tarifaires ne sont pas encore sérieusement pris en compte au niveau multilatéral. La nécessité de développer des sources énergétiques alternatives et le recours croissant à des mesures telles que les taxes aux frontières pour réduire l’utilisation du carbone créeront une demande de nouvelles règles commerciales. La hausse des prix des produits alimentaires a fait surgir le spectre des pénuries alimentaires ainsi que l’exigence de nouvelles règles sur les taxes à l’exportation et les interdictions d’exportation de produits alimentaires. La prolifération d’Accords de libre-échange est en train de créer un système commercial mondial de plus en plus fragmenté. Ces questions et d’autres imposent la nécessité d’une coopération mondiale accrue. Une autre approche du commerce, du développement et du multilatéralisme L’approche des CVM tente de ramener un discours du commerce et des vertus de la libéralisation des échanges qui avait été construit pour promouvoir les intérêts des Etats-Unis et de l’UE. Le défi sera de construire un autre discours du commerce et du système commercial multilatéral – un discours qui parle des défis rencontrés aujourd’hui par des millions de personnes dans le monde – le chômage, la pauvreté et les inégalités. Par où une analyse alternative devrait-elle commencer? Nous devons reconnaître que les marchés ne sont pas auto-réglementés, et qu’ils ne sont pas un secteur détaché de la société. Chaque économie nationale est différente. La libéralisation des échanges n’est donc pas de nature à offrir automatiquement de nouvelles possibilités pour tous en créant de nouvelles efficiences par la réaffectation des ressources d’un secteur à l’autre. L’OMC devrait faire du développement l’objectif global des règles et obligations découlant de cette Institution. En s’appuyant sur les travaux d’Amartya Sen (1999), qui définit le développement comme processus d’expansion des libertés humaines, quatre dimensions du développement devraient devenir les principes qui guident le mandat de l’OMC : (1) Commerce équitable: Pour fournir aux pays en développement des possibilités d’exporter dans les marchés globaux, nous devons créer des règles du jeu équitables. Dans l’agriculture, nous devons supprimer les distorsions entraînées par les subventions des pays développés qui empêchent ou freinent la réalisation de l’avantage comparatif des pays en développement. Au cours d’un récent séminaire, Joseph Stiglitz a plaidé en faveur de l’introduction du concept de Droit au commerce (Stiglitz, 2012). (2) Constitution de capacités: Les pays pauvres ne peuvent pas faire grand-chose pour tirer parti des possibilités d’accès au marché s’ils n’ont pas la capacité de produire et d’exporter. Ainsi, Sen a fait valoir que la pauvreté devrait être perçue comme une privation de capacités de base. La Déclaration ministérielle de Hong Kong qui reconnaissait l’importance de l’Aide au commerce avait invité le Directeur général de l’OMC à créer une équipe chargée de faire des recommandations sur les mécanismes appropriés visant à garantir des ressources financières additionnelles. » Cette Equipe spéciale a présenté ses recommandations au Conseil général en fin juillet 2006. Il reste cependant beaucoup à faire pour mettre en œuvre ces recommandations. (3) Règles équilibrées: Tout en renforçant un système basé sur des règles au profit de tous, le système commercial mondial devrait aménager des flexibilités suffisantes pour éviter que les pays en développement ne supportent le coût de ces règles. S’il plaide en faveur de réglementations gouvernementales pour permettre aux marchés d’opérer de manière plus efficace, Sen indique qu’un système d’éthique basé sur la justice sociale est nécessaire pour renforcer la vision et la confiance en vue de l’utilisation judicieuse du mécanisme de marché. Il est encore plus important de reconnaître les différences qui existent dans les relations et les institutions sociales, économiques et politiques des pays. L’établissement des règles ne devrait pas rechercher le nivellement et l’imposition de normes extérieures, mais devrait reconnaître les différences en appliquant ces règles avec souplesse et en conservant un espace pour le développement. (4) Bonne gouvernance: La participation des pays en développement au processus de négociation est cruciale pour garantir que ces pays sont engagés dans la négociation de nouvelles règles de manière juste et démocratique. Au cours des premières années du GATT, la participation des pays en développement n’était qu’une question de procédure et les décisions de fond étaient prises par les grands pays développés. Ceci a changé dans le Cycle de Doha car les pays en développement sont devenus plus organisés. Cependant, certains grands acteurs peu habitués à une véritable participation de tous tentent de revenir aux anciennes pratiques de négociation menées uniquement entre certains pays en espérant imposer cette démarche au reste des Membres – c’est l’approche dite plurilatérale utilisée dans le Cycle de Tokyo. D’autres observateurs contrariés par la nécessité de prendre en compte la complexité des négociations dans un cadre multilatéral sur la base d’un consensus, préconisent de court-circuiter la démocratie à travers une approche à géométrie variable où l’accord est ébauché en premier lieu par un petit groupe d’acteurs majeurs. Comme ceci a été dit plus haut, la participation est donc essentielle pour le développement. Conclusion En bref, le mantra actuel de l’approche des CVM et la conception sous-jacente d’un marché mondial sans contraintes sociales, politiques et économiques visant à promouvoir des intérêts mercantilistes spécifiques ne reflète pas la réalité actuelle de manière appropriée. Le seul fondement d’une revitalisation de l’appui au commerce multilatéral sera celui qui reconnaît les échanges comme un outil visant à promouvoir les objectifs sociaux et économiques des sociétés ; qui reconnaît les différences et la diversité des besoins et des intérêts des pays; et qui construit des règles de coopération qui n’entravent ni ne sapent l’espace nécessaire pour édifier les économies tant du Sud que du Nord. Un système commercial perçu comme inéquitable, qui mine les intérêts de développement des Membres les plus pauvres, ne gagnera pas en légitimité. Un nouveau discours sur les voies et moyens de reconstruire le système commercial multilatéral sur une base plus durable ne peut être utile que s’il repose sur les principes du Commerce équitable, de la Constitution de capacités, des Règles équilibrées et de la Bonne gouvernance.

Auteur : Faizel Ismail est Ambassadeur permanent de l’Afrique du Sud à l’OMC

Références OECD (2012) “Intervention by Angel Gurría, OECD Secretary-General” G20 Trade Ministers meeting, Puerto Vallarta, Mexico, 19 April 2012. Rodrik, Dani (2011) The Globalization Paradox: Why Global Markets, States and Democracy Can’t Coexist, New York: Cambridge University Press. Sen, A. (1999) Development as Freedom, New York. Stiglitz, Jospeh (2012) “The Right to Trade”, paper presented at Marlborough House, London.

Tu, Xiquan and Guijun Lin (2010) “The Revival of Industrial Policy: How Should the WTO Address it?” in Melendez, R., C. Bellman and M. Mendoza (eds.)

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